Tous quittent la vieille et le vieux :
Leurs enfants,
Leurs parents,
Leurs amis !
Personne ne les comprend plus,
Quand ils sourient !
Plus personne ne les prend
Au sérieux
Ni dans ses bras
Qui disent tout bas
« Bientôt, bon débarras, horribles vieillots !
Pourvu que ce soit le plus tôt ! »
On pense que c’est une grimace
De limace endolorie,
Quand ces deux malheureux rient !
S’ils appellent,
Pour aller aux nouvelles,
Le téléphone sonne
Mais pour seule réponse effroyable,
Ils reçoivent, interminable,
Le silence qui résonne !
Ça étonne tant d’impitoyables
Cyniques personnes
Que ces lambeaux
Sans flambeaux
Se rappellent encore
Les noms et les numéros !
Tout quitte les deux misérables :
Leur force,
Leurs corps !
Les ports de leurs vieux rêves
Et les bateaux sans trêve
Larguent, narguent
De leurs hautaines sirènes
Ceux qui furent du foyer le roi et la reine
Les abandonnant tout frissonnants sans radeau
Sur les quais trembleurs des froids échos
Sous l’écrasant fardeau des ans et tant de peine
Mais pourquoi donc toute cette haine ?
Les avions, les voyages
Et les aéroports d’un autre âge,
D’avant leur naufrage,
Les quittent, leur tournant le cap
Pour d’autres altitudes,
Vers d’autres latitudes torrides,
Les laissant froids froissés sombrer
Dans la lourde fatigue qui sape
Et les interrogations hébétées
De leurs tristes rides !
Et la mort,
En prédateur des dernières heures,
Agitant ses cercueils et linceuls,
Les sachant seuls,
Les invite à franchir son seuil
Pour qu'elle les cueille
Et jette dans sa fosse à vers voraces
Comme des feuilles sèches et lasses!
Les lourds nuages attristés
Par tant d’ingratitude
Les regardant éplorés
Dans leur tragique solitude
Crachent leurs colère et mépris
Sur ces lâches traîtres maudits
Ces prétendus enfants, parents et amis
Qui cachent sous le miel
De leurs comédies
En d’horribles monstres sans cœurs
Leur joie et l’amer fiel
De leurs mesquineries
Face à tant de douleurs !
Inconsolables, les nuées
Offrent leurs incessants pleurs
A cette vieille et ce vieux dénués
Qui, désespérés, lentement se meurent.
©Mokhtar El Amraoui in «Nouveaux poèmes»